Certifications linguistiques : les associations en langues saisissent la justice

CERTIFICATIONS LINGUISTIQUES : LES ASSOCIATIONS EN LANGUES SAISISSENT LA JUSTICE

15 associations déposent un recours au Conseil d’État contre la certification obligatoire en langue anglaise imposée dès septembre 2020 dans toutes les licences des établissements d’enseignement supérieur français.

Paris, le 4 septembre 2020 : un recours a été déposé par 15 associations regroupant des étudiant·e·s, des enseignant·e·s et des chercheur·euse·s en langues contre l’arrêté du 3 avril 2020 relatif à la certification en langue anglaise pour l’obtention de la licence, car il menace l’indépendance et la gratuité des formations du supérieur, porte atteinte au plurilinguisme et ignore des travaux scientifiques du domaine.

Un décret du 3 avril 2020 conditionne l’obtention du diplôme de Licence à la simple passation d’une certification en langue anglaise – sans condition d’obtention ou de résultat – et ce, pour tou·te·s les étudiant·e·s inscrit·e·s dans les établissements d’enseignement supérieur. Cette décision, prise de manière unilatérale par le gouvernement, reflète la méconnaissance des questions linguistiques dans l’enseignement supérieur de la part de nos dirigeant·e·s. En effet, ce décret entraînera un changement profond qui ne sera pas sans conséquence. En voici un rappel des principales :

– Une atteinte au plurilinguisme au sein des universités par la seule obligation de l’anglais et, de ce fait, un appauvrissement des profils des étudiant·e·s en termes de langues vivantes. Il s’agit, à terme, d’une perte de compétences linguistiques. En effet, sachant que seule la certification en langue anglaise leur permettra d’obtenir le diplôme, les étudiant·e·s choisiront, tout naturellement, l’enseignement de l’anglais et délaisseront les autres langues comme l’allemand, l’espagnol, l’italien, le chinois, le russe ou encore les langues régionales.

– Le financement d’organismes privés par de l’argent public pour l’obtention d’un diplôme national public, puisque le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESRI) impose des certifications venant d’organismes certificateurs privés, sans par ailleurs spécifier un niveau de langue à valider (le MESRI exige uniquement que les étudiant·e·s « passent » la certification). Or, le coût total de cette opération s’élèvera, à terme, à 32 millions d’euros, qui devront être financés par les universités (puisque la certification sera gratuite pour les étudiant·e·s et que le MESRI se désengage du financement de la mesure qu’il a lui-même initiée). Il s’agit donc d’un gaspillage flagrant des deniers publics, d’autant plus incompréhensible que les établissements du supérieur font face à des besoins grandissants et à ce jour très insuffisamment financés. 

– Le dessaisissement de la politique linguistique des universités au profit de sociétés privées alors même que des dispositifs publics reconnus existent. À cet égard, nous rappelons qu’il existe une Certification en Langue de l’Enseignement Supérieur (CLES), certification de qualité, adossée à la recherche en didactique des langues et financée par le MESRI. Ce dessaisissement laisse supposer que les enseignant·e·s du supérieur (en dépit de leur expertise avérée) ne seraient donc pas compétent·e·s pour évaluer leurs étudiant·e·s en fonction des besoins de chacun·e. Ce décret ouvre ainsi un précédent inquiétant et témoigne de la méconnaissance de l’expertise scientifique développée dans le domaine des langues. 

L’uniformisation des pratiques avec une seule visée certificative et utilitariste dans le mépris total de la richesse des dispositifs de formation émanant de la recherche et dans le mépris total des besoins spécifiques des étudiant·e·s. En effet, par un phénomène de bachotage, les étudiant·e·s souhaiteront avoir des cours de préparation à cette certification et l’institution fera pression pour que les enseignant·e·s en fournissent. Les besoins professionnels et/ou personnels en langue étrangère seront mis de côté pour ne préparer que des exercices spécifiques d’un test standardisé qui, faut-il encore le rappeler, n’est pas fait pour évaluer qualitativement les compétences du fait de la masse d’étudiant·e·s à tester (400 000) ! Nous posons donc la question suivante : à l’heure où le souci d’individualisation des besoins des étudiant·e·s est mis en avant par le MESRI lui-même, n’est-il pas plus pertinent d’offrir aux étudiant·e·s des enseignements de langues (avec une diversité linguistique) en relation avec leur champ disciplinaire, leurs projets personnels et leurs besoins professionnels, en leur laissant le choix de passer (ou non) la certification la plus adaptée à leurs projets et dans la langue de leur choix ? 

Totalement rassemblée contre ce décret, la communauté scientifique et universitaire s’y est formellement opposée. Le MESRI a ainsi été interpellé à plusieurs reprises par de nombreux courriers d’associations, de sociétés savantes universitaires, d’hommes et de femmes politiques (en particulier des régions transfrontalières craignant une perte de compétences linguistiques pour leur région), de pétitions ou encore de Conseils d’Universités. Cependant, le MESRI a refusé tout dialogue et a publié le décret en catimini, en plein confinement, le sachant pourtant largement décrié et contesté.

Par conséquent, 15 associations nationales ont décidé de déposer un recours devant le Conseil d’État afin de faire abroger ce décret :

  1. L’Association des Chercheurs et Enseignants Didacticiens des Langues Étrangères (ACEDLE) https://acedle.org/
  2.  L’Association pour le Développement de l’Enseignement de l’Allemand en France (ADEAF) https://adeaf.net/
  3. L’Association Française d’Études Américaines (AFEA) http://afea.fr/
  4. L’Association Française de Linguistique Appliquée (AFLA) http://www.afla-asso.org/
  5. L’Association Francophonie Avenir (AFRAV) https://www.francophonie-avenir.com/
  6. L’Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur (AGES) http://de.ages-info.org/fr/
  7. L’Association des Professeurs de Langues en Instituts Universitaires et Technologiques (APLIUT) https://apliut.fr/
  8. L’Association pour la Recherche en Didactique de l’Anglais de Spécialité (ARDAA) http://www.ardaa.fr/
  9. La Fédération Nationale des Associations Étudiantes Linguistes (FNAEL) https://www.fnael.org/
  10. Le Groupe d’Étude et de Recherche en Anglais Spécialité (GERAS) https://www.geras.fr/
  11. Le Groupe d’Études et de Recherche en Espagnol de Spécialité (GERES) https://www.geres-sup.com/
  12. L’Observatoire Européen du Plurilinguisme (OEP) https://www.observatoireplurilinguisme.eu/
  13. Le Rassemblement National des Centres de Langues de l’Enseignement Supérieur (RANACLES) https://www.ranacles.org/
  14. La Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur (SAES) https://saesfrance.org/
  15. La Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur (SIES) https://www.sies-asso.org/

Ce communiqué fait foi pour l’ensemble des associations et n’engage que celles citées ci-dessus. Toute communication en dehors des membres de l’association devra faire référence au communiqué.

Contacts :

Teva PIETRUSZKA – Président
presidence@fnael.org – 06.69.06.81.33

Awad DANIEL – Attaché de presse
presse@fnael.org – 06.98.61.11.88

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